Quelques mois avant le début de la campagne électorale en Tunisie
l’année dernière, nous étions beaucoup à remarquer la pauvreté du
débat politique et idéologique en Tunisie, qui s’est à peu près axé sur 3
lignes directrices :
- Laïcité de l’état et de la société
- La rupture avec le RCD et ses pratiques
- La légitimité et le délai accordé à la constituante et le gouvernement
qui en découle pour écrire une constitution et organiser de nouvelles
échéances électorales.
Ces débats, et malgré leurs
importances apparentes, étaient, à mon sens et ceux de beaucoup d’autre
comme moi, insuffisants pour donner au tunisien les moyens de comprendre
les rouages de la politiques, pour se faire une vrai idée de la
politique, et surtout de réaliser les enjeux à venir. Nous nous
plaignions sur les réseaux sociaux, dans les cafés, et de partout,
qu’on n’osait jamais aborder les vrais débats et nous exprimions notre
déception (la preuve est le taux d’abstention). Il n’y avait aucune
proposition concrète (la preuve est que le gouvernement n’a donné son
programme que plusieurs mois après sa formation), et il n’y avait aucune
envie de donner clairement sa vision de la future constituante. Et je
pense que c’est l’excès de prudence qui a muselé la plupart des acteurs
de la scène politique à ce moment-là.
En effet, hormis
Enahdha, qui avait conscience de son vrai volume, de sa vraie valeur, et
de sa popularité, tous les autres partis (même ceux qui prétendaient le
contraire) ignoraient le nombre de voix qu’ils étaient capable d’avoir,
et étaient incapable de déterminer des vrais objectifs. Cette
différence d’aisance, a permis à Enahdha de proposer un programme
complet (du moins, le plus abouti), là où le manque d’aisance a empêché
des partis comme le CPR, ou le FTDL, d’oser mettre sur papier toutes les
valeurs et les idées qu’ils avaient défendu pendant plusieurs années.
Et
on s’y attendait, car en l’absence d’outils statistiques fiables, et
d’une vraie culture de sondage, on ne pouvait estimer l’état de santé de
tel ou tel parti. Or dans des échéances électorales, un programme
devrait être conçu pour atteindre deux buts : satisfaire ses adhérents,
et faire une approche courtisane des hésitants, et des électeurs des
autres mouvements ou parti d’un courant semblable, ou même ennemi.
Paradoxalement,
le CPR, qui a évité de soulever plusieurs débats, et qui a même décidé
d’abandonner quelques idées phares de son ex-président, a pu réussir une
approche de quelques électeurs, se servant notamment de l’image de son
président. C’était surprenant de voir un parti politique, qui a manqué
de courage, réussir. Mais c’était la réalité, en tout cas celle du
moment. Car depuis, le CPR prouve toute son immaturité, et son manque de
courage.
Nous sommes tous d’accord que ceux qui ont voté CPR ont
voté pour Marzouki. Ce dernier conscient de sa réussite, ne s’est pas
fait prier, pour abandonner son parti, et accepter les termes de l’accord
avec Enahdha, qui le plaçait président de la république, alors même que
le bureau politique n’avait pas encore décidé et convoitait deux
ministères (la justice et l’intérieur). Nous nous attendions tous à une
discussion plus ferme entre les trois partis de la troïka. C’était sans
compter sur l’habilité d’Enahdha et la naïveté des CPR et FTDL. C’était à
ce moment-là qu’il fallait faire preuve de courage, en refusant de
collaborer avec Enahdha. Mais ce dernier, a su les monter les uns contre
les autres, et les diviser. Et au lieu de mettre les collaborateurs
(ceux qui se sont pressés pour accepter les conditions d’Enahdha) face à
leur responsabilité au sein du parti, et les inviter soit à rentrer
dans les rangs soit à partir, ils ont essayé de ramasser les pots cassés
et de les rassembler, tout en acceptant finalement la soumission à
Enahdha, et à un ancien membre et ex-président du parti.
Depuis,
l’ambiance au CPR n’était plus la même. Le parti a perdu sa figure
emblématique. Il se retrouve sur la scène politique, sans réel
programme, sans orientation, détesté par les anti-Enahdha, et dénigré
par ce même parti qui est son allié, et qui se permet de s’immiscer dans
ses affaires internes.
Pire encore, les jeunes qui se
sont bousculés pour adhérer au CPR et militer, se sont vu éliminés un à
un de la vie interne du parti, et priés de se contenter d’applaudir.
Et
puis, le 9 avril 2012, se passa le vrai drame pour le CPR. L’ancien
numéro un du CPR et président provisoire de la Tunisie, donnant un avis
partial et autoritaire, en total contradiction avec l’intervention du
vrai numéro un du parti deux jours plus tard à l’ANC.
Quelques
semaines plus tard, des membres du bureau politique du CPR proches de
la présidence émettent une mention de censure à l’encontre de Mr Ayadi,
en le remerciant. Douze élus du parti, décident alors de montrer leur
solidarité avec Ayadi, et quittent le parti.
Ce moment
aurait pu être un acte fondateur pour un mouvement audacieux et militant
autour de la personnalité de Mr Ayadi. Mais aussi surprenant soit-il,
ce dernier déclare ne pas envisager de créer un parti. Propos confirmés
quelques jours plus tard par « Oum Zied ». Et c’est là où on mesure le
manque de courage politique, voire de génie politique de cette
génération. Car si leur but est de pouvoir conquérir à nouveau le CPR,
où est la logique dedans? Le CPR ne pourra jamais faire le même score
que dernièrement. Le CPR a été sali, caricaturé, et a perdu tout son
poids. Enahdha prépare d’ores et déjà la prochaine échéance (en
affaiblissant ces alliés), et il y parvient avec beaucoup d’aisances.
Alors que les deux figures emblématiques du CPR, après le départ de
Marzouki, ne semblent pas mesurer l’urgence de créer un mouvement qui
propose une vraie alternative, qui dénonce la troïka, qui tire sur les
anciens CPR et ceux qui sont complices dans ce putsch (mention de
censure contre un numéro un élu), qui prépare un vrai programme, qui
lance des vrais débats, et qui encadre les jeunes qui n’attendent que
ça. Non ! Au lieu de ça on a très vite oublié le 9 avril, très vite
oublié le putsch, et ils vont se faire oublier très vite aussi.
Alors
oui, le tunisien n’est pas mature politiquement, n’a pas une réelle
culture politique. Mais au regard de la classe politique active en
Tunisie, ce n’est point surprenant.
lundi 23 avril 2012
samedi 24 mars 2012
Faillite de la transition, la volonté du peuple doit prévaloir
Cinq mois se sont passés depuis les élections constituantes. Il ne s’est rien passé d’exceptionnel en Tunisie depuis ces cinq longs mois. Si on rajoute les gouvernements de transition Ghanouchi et Sebssi, on arrive à quatorze mois. Qui peut me dire ce qu’on a fait pendant tout ce temps là ? A-t-on réformé la police ? A-t-on réformé la justice ? A-t-on rendu justice aux victimes de la révolution ? A-t-on jugé convenablement les crimes de guerres, les tortionnaires, les corrompus ? A-t-on ouvert les gros dossiers de malversation, des réseaux de trafic qu’on attribuait aux Trabelsi ? A-t-on ouvert le dossier des snipers ? A-t-on même essayé de mettre la lumière clairement sur ce qui s’est réellement passé les 13 et 14 Janvier 2011 ? Autant de questions qui restent sans réponse. Et comme pendant la précampagne électorale, on remet la polémique de la religion de libertés individuelles sur le tapis. Ce gouvernement a-t-il essayé de dessiner une ligne directrice des réformes à faire ou à entreprendre ? A-t-il eu assez de courage, de génie, et d’initiative pour sortir le Tunisie de ses crises sociales, politiques et économiques ?
Cette Troïka a pensé avoir assez de légitimité pour prendre le pouvoir, et pour parler au nom du peuple. Mais force est de constater qu’ils ne font l’unanimité ni à gauche ni à droite.
La légitimité des urnes les a trahis, car les urnes ont sorti une assemblée constituante, dont la tâche était d’annuler toutes les sources antérieures de juridiction, pour écrire une nouvelle constitution et des nouveaux codes. Cette tâche qu’ils ont du mal à assumer, et qui est en plus délaissée pour s’occuper de la politique, intérieur comme extérieur, ne peut plus être remplie dans les errements des uns et des autres, de ceux qu’on appelle élus du peuple.
Or la démocratie qu’on essaye d’installer veut que ça soit le peuple qui décide, le peuple qui gouverne. Rendons au peuple les clés du pouvoir.
Nul ne peut ignorer, aujourd’hui, que la principale cause de la lenteur, aussi bien de la constituante, que de l’exécutif, est que personne ne peut regarder à la fois à droite et à gauche.
Il parait donc légitime, opportun, et logique de demander au peuple de gouverner, de choisir l’orientation qu’il veut donner à un éventuel futur appareil exécutif. Et ceci peut passer par un deuxième suffrage universel.
L’idée serait de recentrer la constituante vers l’écriture de la constitution, de nouveaux codes et de donner forme à l’état des droits et des institutions que le peuple réclame, et d’appeler le peuple à élire une deuxième chambre qui aura en charge d’arrêter les budgets, de déterminer la politique intérieure comme extérieure à mener, et de d’avancer dans la restructuration des instituions héritées de la l’ère précédente. Il sera aussi opportun d’élire directement les personnes qui seront en charge de représenter le peuple et de gouverner. Et pour cela j’ai imaginé un conseil de sage constitué de 5 personnes élues directement au suffrage universel , en plus de la deuxième chambre, aux postes de :
- ministre des affaires étrangères et de la défense.
- ministre de l’intérieur, et des régions.
- ministre de la justice, et des réformes institutionnelles
- ministre de l’économie, du travail et du développement
- ministre de la santé, de la recherche et de l’enseignement
Ce projet peut paraître très ambitieux et très compliqué, mais nous pouvons compter sur l’expérience acquise de L’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE), pour préparer un nouveau code électoral, le présenter à l’assemblée constituante pour être promulgué, et commencer les préparatifs pour tenir cette nouvelle échéance électorale. Un tel projet ne devrai pas prendre plus de deux mois de préparation jusqu’à l’élaboration du nouveau code électorale. L’assemblée constituante, peut alors écrire une constitution provisoire donnant une assise juridique à la naissance d’une deuxième chambre d’élu et du conseil des sages (une dizaine d’article tout au plus), et de promulguer les deux textes au même temps, l’échéance électorale peut alors être tenue trois mois plus tard.
Il serait judicieux de limiter les mandats pour chaque élu (présent ou futur) dans le but d’enrichir le paysage politique, et donc d’interdire à ceux qui ont été élus à l’assemblée constituante de se présenter aux nouvelles échéances électorales. C’est une question de bon sens : ces élus ont bénéficié de la confiance et du choix du peuple pour écrire la constitution. Démissionner de l’assemblée constituante peut révéler soit l’opportunisme de certains, soit leur manque de sens de la responsabilité.
L’élection d’une nouvelle chambre d’élus, et des sages, qui devront présenter leurs projets à la deuxième chambre pour y être débattu et voté, permettra d’ancrer la pratique démocratique, et concrétiser le pouvoir du peuple.
Ceci n’est qu’une simple présentation d’une idée, d’une volonté pour avancer. C’est une suggestion que je soumets à tous les tunisiens, aux élus de l’assemblée constituante, au gouvernement provisoire et au président de la république provisoire.
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