mardi 27 septembre 2011

La révolution Tunisienne de la dignité n’a pas et n’aura jamais d’héros ni de Leader.

La révolution Tunisienne de la dignité n’a pas et n’aura jamais d’héros ni de Leader.

Introduction

Je n’ai pas arrêté d’essayer de comprendre comment les choses se sont emballées le 13 et 14 janvier 2011.
Il y a eu beaucoup de tractations, beaucoup de mensonges et beaucoup de faux et de mensonges…Une chose est vrai cependant, personne ne l’avait planifié son déroulement, et personne ne s’y attendait…En tout cas personne ne s’attendait à ce qu’elle se déroule comme ça…
Cependant, je me rappelle encore d’une discussion que j’ai eu fin décembre avec un ami qui travaille dans la douane et qui a donc une sorte de formatage de l’esprit, et une certaine résignation quant à une issue possible à ce moment-là à ce qui s’appellera plus tard à tort la révolution du jasmin. Partant de sa connaissance de l’appareil sécuritaire, mais aussi en connaissant l’état d’esprit des tunisois, il croyait à une forte répression, et un échec de la révolution tout comme celle de 1978.
A cela s’opposait mon état d’esprit rêveur, et optimiste aspirant à une issue beaucoup plus juste à la confrontation…Et plus la révolution avançait, plus la répression devenait sanglante et inhumaine, plus je trouvais au fond de moi le courage d’écrire, de commenter, de partager, et de dire ce que je pensais…Je voyais l’effet positif que mon action faisait autour de moi, mes amis facbookiens tunisiens, osaient de plus en plus prendre le même chemin dans la dissidence cybernétique ; quant aux occidentaux, il étaient divisés entre ceux qui traitent ça avec ironie et moquerie, ceux qui craignait une révolution à l’iranienne, et ceux qui croyaient à la répression policière.
Ce qui est à noter ici, est que le courage qui m’a emporté, a emporté d’autres comme moi, de la même façon…c’est un phénomène dont je n’avais pas l’exclusivité, et je défie quiconque qui me dira qu’il a eu l’exclusivité de la cyberdissidence .
Mais le plus important dans ce billet, et d’essayer de comprendre l’origine de cette élan révoltant, le rôle de chaque partie, et de comprendre son évolution jusqu’au départ de Ben Ali.

      1)  Rôle des média étrangers face au silence de l’appareil d’état tunisien

Le point de départ était cette immolation au feu du nommé Bouazizi.
C’est l’histoire d’un mensonge qui est devenue un mythe.
Je ne regarde jamais la télé, ne j’écoute la radio ; J’avais comme habitude de me connecter sur google actualité tous les matins et de chercher moi-même l’actualité qui m’intéresse. Un jour je tombe sur cet article qui parle d’un jeune diplômé au chômage qui pour contester la confiscation par la police municipale de sa brouette de légume s’immola au feu. Quelques dépêches étaient éparpillés par ci et par là, racontant des faits différents ; Il était impossible dès lors d’avoir la bonne version des faits. Surtout que l’état tunisien ne communiquait jamais dessus. Au départ j’avais lu qu’il avait une maitrise, après j’ai entendu qu’il avait un master, qu’il était ingénieur …Puis j’ai lu que les habitants de sidibouzid ont commencé la contestation. Le hashtag #sidibouzid a fait son entrée sur twitter.
Il est important de noter le rôle qu’a joué Aljazeera dans la création de l’évènement, mais aussi le rôle de facebook et de twitter. Toujours face au mystère, et le nouveau mythe Bouazizi, les infos tombaient de tout part…et La contestation prenait forme, et prenait comme cible l’injustice sociale, le ras le bol général de l’inégalité des chances en Tunisie, et ciblait la famille de Ben Ali des Trabelsi et des Matri.
J’ai vite créé un compte twitter pour pouvoir suivre les fils des infos. 

          2) La contestation prend de l’ampleur

La contestation sortit alors de sidibouzid et commença à toucher d’autre régions et d’autres villes…Sous la forme d’une contestation réclamant du travail, une justice sociale et la liberté d’expression, surtout d’exprimer son ras le bol.
Le deuxième fait marquant fut la grève et la manifestation des avocats, qui furent tabassés par la police ; Les vidéos sortaient en ligne, les photos aussi.
Il y avait à ce moment-là les vacances scolaires et universitaires, la contestation semblaient être maitrisée. Tout le monde attendait le retour des élèves et des étudiants à leur lieu d’études pour enflammer la scène. Je dis tout le monde, car je comptais dessus, et dans mes discussions, je voyais que beaucoup attendaient la même chose.
Puis la mise en ligne des premières vidéos des martyrs.
Quand j’ai découvert la première vidéo, je me suis senti révolté, mais la vidéo qui m’a fait perdre l’esprit c’était celle de Hatem ben Tahar. Je me suis vu à sa place, j’ai pleuré, j’avais envie de tirer sur quelqu’un de me défouler sur quelqu’un, j’ai détesté la police encore plus qu’avant. Mais j’avais senti que c’était la vidéo qui va retourner la situation contre Ben Ali et son système…Car jusque-là Ben Ali lors de ses discours disaient que les casseurs sont des brigands, des bandits, et beaucoup de tunisiens et de non tunisiens croyaient à tort ou à raison que ceux qui sont tués par balles ne sont pas de jeune diplômés mais des « bandits » qui veulent se défouler.
Le dernier fait marquant avant que tout s’emballe c’était ces images vidéo de l’armée qui remplaçaient peu à peu la police. Ce jour-là, la nuit et la journée qui ont suivi, je m’attendais à voir un massacre. Mais non selon les infos sur twitter et facebook, l’armée ne tire pas. Puis à nouveau des rumeurs, des mensonges, un qui dit le haut commandement de l’armée ne veut pas tirer et désobéit à Ben Ali, d’autres disent que Rachid Ammar a été démis de ses fonctions. Les spéculations prenaient une ampleur importante. L’état tunisien s’est trouvé piégé à son propre jeu, en muselant l’information et en appliquant un black-out complet, laissant un vide médiatique, comblée par Aljazeera, les chaines étrangères, et Internet.
Le nombre de martyrs continuait à augmenter ; L’état ne peut plus nier les victimes, mais tente de minimiser leurs importance. Des fausses scènes de pillages sont même mises en place, mais très vite démasquées.
La contestation augmentait…Les grèves se généralisaient. La pression montait ; et toujours ce silence étatique, et le flou complet.
La contestation se propagea dès lors dans la capitale. A Sfax le syndicat s’organisa. La pression sur l’état est à son apogée.

            3) La mauvaise mise de Ben Ali et la perte du contrôle

Le 13 janvier j’ai eu l’information comme tout le monde que Ben Ali allait faire un nouveau discours. Je m’étais dit que c’était sa dernière cartouche, il était temps qu’il reconnaisse les faits. Je ne me suis pas trompé…
A l’écoute du discours, j’étais heureux, j’ai sauté, j’ai applaudit. Pour moi c’était la victoire. Ca y est plus personne ne pourra dire qu’il ne se passe rien en Tunisie.
A la fin du discours je suis allé chercher ma colocataire. Je lui ai dit qu’il fallait qu’on fête ça. Il n’y aura plus de sang en Tunisie, et plus de répression.
Nous sommes allés dans un bar, pour fêter ça. Mais à peine joyeux, je m’étais rappelé que cet état ne sait que faire des promesses et que des mensonges, j’ai écourté la fête, et nous sommes rentrés, car je me sentais mal. En effet, je me suis demandé quelle garantie avions-nous ? Qui peut nous garantir que l’état ne va pas entreprendre des poursuites plus tard, qu’il ne va pas se venger une fois le calme est de retour.  La désillusion m’a mis un froid au dos. J’avais peur que les gens tombent dans le piège.
Le 14 janvier a apporté son lot de surprises, mais voici comment je l’ai vécu, et surtout ce que j’en pense.
La grève générale décidée par le syndicat a été maintenue. Le message a circulé via les réseaux sociaux quant à la nécessité de descendre à l’avenue Habib Bourguiba pour manifester. Beaucoup de mes amis à Tunis, qui jusque-là soit se contentait de lire et de visionner les vidéos et d’en parler dans leur environnement très proches, soit de participer au partage des données, et de les commenter, décidèrent de descendre dans la rue.
Il n’y avait aucune garantie quant à l’arrêt de la répression, à part la « parole » de Ben Ali. Ce n’était pas une simple parole, c’était même une incitation à aller dans la rue.
Avec le recul, je pense que Ben Al a misé sur un mauvais cheval. Il pensait qu’il pouvait refaire le coup de 1984 ; quand les tunisois sont descendu dans les rues pour acclamer Bourguiba. D’ailleurs il est à noter que dans son discours, il a employé des termes et références gaulliennes, bourguibiennes. Et pour la première fois Ben Ali a parlé en arabe dialectal tunisien comme Bourguiba. Tout me laisse penser (surtout quand j’ai découvert les vidéos des voitures de location le lendemain) qu’il a misé sur le fait que les tunisiens vont descendre dans la rue pour l’acclamer et demander les têtes de ceux qui l’ont « trompé » et le Trabelsi.
Je pense que Ben Ali voulait gagner du temps pour trouver des bouc émissaires à offrir au peuple révolté. Mais ne s’attendait pas à ce la contestation continue et demande son départ.
Tout me laisse penser aussi, que derrière les rideaux il a négocié les têtes à offrir, et qu’il a laissé filer certains et a empêché d’autre de quitter le territoire. Et je pense que c’est bien lui qui a donné l’ordre de disperser la foule dans l’avenue, et de reprendre la répression.  Mais voilà ! la zone d’ombre entoure encore les circonstances qui ont fait qu’il parte.  Je ne crois pas à la version de Tahrouni. Il y a surement du vrai, mais il y a aussi du faux et beaucoup de faits non révélés. La version de Grira m’a un peu plus convaincu, mais elle aussi manque de clarté. Je pense qu’effectivement, l’armée a eu un rôle. Mais quel était ce rôle-là ? Qui a tissé les fils par derrière.
Les 3 jours qui ont suivi le départ ont été marqués par le couvre-feu, les soit disant scène de guerilla contre les forces spéciales du palais. Les mêmes forces que Tahrouni dit qu’ils l’ont rejoint le 14 janvier.
Encore une fois, je pense qu’il n’y avait pas de plan pré établi au départ de Ben Ali. Et que la scène de théâtre qui a duré 3 jour, n’avait comme but que de donner un temps additionnel à Ghanouchi et son gouvernement afin de redistribuer les cartes, comprendre ce qui se passe, et absorber les faits afin de reprendre le contrôle.

        Conclusion

La révolution tunisienne, n’avait pas de leader, ni d’héros. Elle a par contre des victimes, des martyrs, ce sont eux les héros, parce qu’ils ont payé le prix cash de leur engagement.
En revanche ceux qui se sont démarqué, et grâce à eux que la révolution a eu cette fin, ce sont bien les membres du gouvernement, les journalistes tunisiens, l’appareil d’état et Ben Ali. C’est grâce à leurs erreurs successifs, et leur mauvaises lectures des faits  qu’ils ont fait autant d’erreurs les conduisant à perdre le contrôle de ce qu’ils pensaient contrôler.
Il en sort quand même un bon enseignement : quand on règne par la peur et par la terreur on contrôle la réaction du peuple, il faut s’attendre à une perte total du contrôle quand ce peuple se débarrasse de sa peur. ; Il n’y a rien de nouveau certes, mais beaucoup ont semblé l’oublier, et semblent l’oublier aujourd’hui aussi.